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M O N   S E U L   R É S E A U   :   L E S   F A C T E U R S 
La publication, comme une lettre à la poste ?

  Vous l'aurez peut-être remarqué en lisant les pages de ce site : j'ai publié neuf livres en neuf ans, et cela chez trois éditeurs différents. Sans compter Un Etat d'Esprit, plaisir furtif, et Le Furet du Nord, qui est la plus grande librairie d'Europe, mais probablement le plus petit éditeur de France : il ne publie qu'un livre par an, celui du lauréat de son prix "Découverte d'un écrivain du Nord - Pas-de- Calais".

  On me pose régulièrement la question : comment avez-vous fait pour entrer chez ces éditeurs ?

  Ma réponse est toujours la même, toujours aussi simple : ce n'est pas moi qui suis entré, c'est le facteur. J'ai beau l'expliquer, on me regarde, sceptique, comme si je cachais un mensonge peu honorable.

  La vérité, c'est qu'on peut entrer chez les éditeurs par "des réseaux, des appuis", ou par la poste. Les deux solutions sont jouables, j'ai choisi la seconde car elle m'a toujours paru plus simple : je n'ai aucun réseau. Et je connais beaucoup d'auteurs qui ont procédé comme moi.  Et pourtant, des candidats malheureux à la publication, des éternels évincés, vont partout, gémissant, maudissant les éditeurs, expliquant qu'il est impossible de se faire publier si l'on ne dispose pas de relations, familiales, universitaires et professionnelles, sans oublier les fréquentations des légendaires "cocktails et soirées de Saint-Germain-des-Prés" dont j'ignore toujours où ils se tiennent.

   C'est un gros mensonge. Un mensonge qu'on peut inventer pour se consoler, ou se le mâchonner entre recalés meurtris, ce qui est admissible. Ce qui l'est moins, c'est de colporter ce mensonge, de l'ériger en dogme, car il décourage de nouveaux auteurs qui, eux, auraient toutes leurs chances.

  Il y a plus exactement trois façons d'entrer chez les éditeurs :

la première, la plus évidente, c'est de se faire d'abord connaître du grand public. Il n'y aura alors généralement pas de littérature, mais un simple effet voyeur. Si Nagui présente un manuscrit  "Les secrets les mieux gardés de la télévision", il sera publié car il aura 10.000 lecteurs pour commencer (la première semaine). Même chose si c'est un politique, un acteur (métiers similaires), un sportif ou un héros de Koh-Lanta. Le seul hic à propos de ces... appelons-les "trucs imprimés", c'est qu'ils prennent de la place, nos places, à l'étal du libraire, et dans les pages littéraires des médias. Je leur ai consacré ces quatre lignes, ils ne méritent pas mieux.

- la seconde, c'est de connaître un "influent" proche d'un éditeur. Oui, cela existe : ce peut être un copain d'études, un critique littéraire, ou l'amant de sa femme. Le ninfluent agira comme un comité de lecture à lui tout seul : un vrai ninfluent ne recommande pas n'importe quoi, sinon il serait vite grillé. S'il ne veut pas vous faire de peine, il vous dira "Je le présenterai à Graal-Limeuil, et je lui dirai le bien que j'en pense". Il le leur remettra avec un sourire goguenard : " Pour caler la table de ton jardin, j'en pense grand bien " et ça s'arrêtera là. Dans des cas plus tordus, le ninfluent en dira vraiment du bien, mais Monsieur Graal-Limeuil, lui, en pensera vraiment du mal. Alors, pour ne pas peiner Ninfluent, Graal-Limeuil fera traîner la réponse pendant des mois, inventera des décisionnaires imaginaires à convaincre, demandera à l'auteur des modifications, des corrections contradictoires, jusqu'à ce que l'auteur craque le premier. Ne souriez pas, ça m'est arrivé la seule fois où j'ai tenté de me faire éditer en passant par cette porte-là. Mais il arrive aussi que des bons ninfluents se voient proposer de bons mansucrits, leur donnent un bon coup de pouce auprès du bon éditeur. Je ne vois là rien d'immoral.
 
- la troisième, c'est de consacrer au peaufinage de votre manuscrit le temps que vous auriez perdu à courir les pince-fesses germanopratins. C'est d'investir en timbres de la poste l'argent que vous auriez flambé en pourboires au serveur du Flore afin qu'il vous réserve une table à côté de celle d'un directeur littéraire du Seuil. Je ne suis pas le seul auteur à avoir choisi cette "voie du facteur" avec succès, nous sommes très nombreux, entre trente et cinquante pour cent des auteurs ont commencé comme ça : il n'y a là rien de glorieux, rien de honteux, c'est une voie comme une autre.

   Bien sûr, le pourcentage des refus est énorme quand on arrive par la poste, nettement plus important que pour ceux apportés par Monsieur Ninfluent. C'est normal, puisque Monsieur Ninfluent effectue un premier filtrage, il ne recommande pas n'importe quoi, pour ne perdre son statut. Tandis que, par la poste, il est vrai qu'il arrive n'importe quoi.

   Sur 100 livres qui arrivent par la poste, il doit y en avoir plus de 80 dont la lecture s'arrête, et c'est normal, dès la lecture du pitch ou de la première page : sujet inintéressant ou écriture lamentable. Il doit y en avoir moins de 10 autres lus jusqu'au premier chapitre, parfois jusqu'à la fin : "c'est bien, mais pas assez". Comptez encore 5 ou 6 autres jugés franchement bien, mais mal ciblés : ils ne sont pas arrivés chez le bon éditeur ("Ce n'est pas le genre de la maison") ou pas au bon moment ("Nous en avons déjà prévu deux ou trois du même genre pour cette année"). Ajoutez-en 3 ou 4 autres qui n'ont pas de chance : ils ont été ouverts par l'éditeur à une page un peu faiblarde, ou la lectrice est de mauvais poil car elle a été flashée au pont de l'Alma. Il reste environ 1%, c'est bien sûr une moyenne.

On peut se planter, on peut recommencer, on peut retravailler son manuscrit trois fois, cinq fois, on peut revenir chez les mêmes éditeurs, ou chez d'autres. Mais si l'on a un bon manuscrit, on finit très souvent par entrer dans le 1% et être publié. Très souvent, pas toujours, pas tout de suite. Je connais d'excellents auteurs (ils se reconnaîtront, oui, toi, et toi aussi, bien sûr, non pas toi, eh, tu rigoles ?) qui auraient dû être édités depuis longtemps. Ils n'ont pas eu de chance, cela arrive aussi.

Pour ceux que cela intéresse, je parle plus longuement des points à peaufiner quand on veut entrer chez les éditeurs par le réseau des facteurs. C'est sur mon blog, en rubrique "arduité de la publication".